Le 19 février 2024, la Cour supérieure du Québec a rendu sa décision sur le fond de l’action collective Lussier c. Expedia inc. et al.[1]. Le litige portait sur la manière dont certains frais facturés directement par les hôtels, couramment appelés les « frais hôteliers », les « frais d’établissement » ou « resort fees » (les « Frais hôteliers »), étaient affichés sur les sites Web expedia.ca, travelocity.ca et ca.hotels.com (les « Sites Web ») durant la période visée par l’action collective[2].
Le demandeur alléguait que, en omettant d’inclure les Frais hôteliers dans le prix total affiché dès la première étape du processus de réservation, les défenderesses avaient enfreint le paragraphe c) de l’article 224 de la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC »)[3], qui interdit aux commerçants d’exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé, ainsi que l’article 14.1 du Règlement sur les agents de voyages (le « RAV »)[4]. Le demandeur alléguait en outre que l’affichage des Frais hôteliers sur les Sites Web violait les dispositions de la LPC portant sur les représentations fausses et trompeuses et le fait de passer sous silence un fait important. Bien que les Frais hôteliers aient été affichés à de nombreuses reprises tout au long du processus de réservation, le demandeur alléguait que cela ne suffisait pas et qu’ils auraient dû être inclus dans le prix total de la chambre dès la première étape du processus de réservation.
Le juge de première instance a rejeté l’action collective dans son intégralité, jugeant que les défenderesses n’avaient enfreint ni le RAV ni aucune des dispositions de la LPC invoquées, et que le demandeur n’avait pas réussi à prouver qu’il avait subi des dommages.
Concernant les violations alléguées, le juge de première instance a souligné que les Frais hôteliers facturés apparaissent « tôt dans le processus » de manière « facilement compréhensible même pour un consommateur crédule et inexpérimenté ». En ce qui concerne les allégations du demandeur quant à l’affichage d’un prix incomplet ou fragmentaire, le juge de première instance a distingué cette affaire d’autres causes portant sur la fragmentation de prix au motif que les Frais hôteliers en question sont des frais fixes facturés sur place directement par les hôtels, et ce, afin de permettre aux clients de bénéficier des divers services offerts par les hôtels en question, contrairement aux frais facturés par les défenderesses au moment de la réservation.
Le juge de première instance a également conclu que le demandeur n’avait pas réussi à prouver que les membres du groupe avaient droit à une réduction de leurs obligations en vertu du paragraphe c) de l’article 272 de la LPC, ou à des dommages-intérêts. Il s’est appuyé sur la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Fortin c. Mazda Canada inc.[5] qui établit le principe que le consommateur ne peut se prévaloir de son droit à la compensation ou à la réduction de ses obligations que s’il fait la preuve des dommages qu’il a subis. Selon les éléments de preuve soumis, le juge de première instance a déterminé que de tels dommages n’avaient pas été prouvés.
En l’espèce, les membres du groupe ont été clairement informés des Frais hôteliers facturés sur place par les hôtels, tant avant de faire la réservation qu’immédiatement après, lorsqu’ils ont reçu leur confirmation de réservation, et ont néanmoins choisi de procéder à la réservation d’une chambre d’hôtel (ou de ne pas annuler leur réservation). La Cour a également noté que les Frais hôteliers auraient été facturés par les hôtels sans égard à la méthode de réservation choisie (directement sur le site Web de l’hôtel ou sur tout autre site Web de voyage). Enfin, le juge de première instance a relevé que les membres du groupe avaient utilisé ou auraient pu utiliser les installations ou les services pour lesquels les Frais hôteliers avaient été facturés, et que bon nombre d’entre eux avaient effectué de multiples réservations après avoir été dans l’obligation de payer ces frais. Dans ces circonstances, les membres du groupe n’avaient aucun motif valable de demander le recouvrement des sommes payées, que ce soit sous la forme d’une réduction de leurs obligations ou de dommages-intérêts.
En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts punitifs d’un montant de 15 millions $ CA, elle a également été rejetée, le juge de première instance ayant conclu que les défenderesses avaient fait preuve en tout temps de bonne foi et de diligence et qu’elles avaient cherché de manière proactive à accroître la transparence des prix affichés sur les Sites Web au fil du temps.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur cette affaire, veuillez communiquer avec les auteures, Margaret Weltrowska et Erica Shadeed.
[2] Pour les sites expedia.ca et travelocity.ca, la période visée par l’action collective était du 10 janvier 2015 au 4 juin 2020. Pour le site ca.hotels.com, la période est du 10 janvier 2015 au 28 février 2022.
[3] RLRQ, c P-40.1
[4] RLRQ, c A-10, r-1
[5] 2022 QCCA 635