L’Institut d’arbitrage et de médiation du Canada (IAMC) a adopté de nouvelles règles d’arbitrage et un nouveau protocole de nomination des arbitres, qui sont entrés en vigueur le 1er mars 2025. Élaborés par le Comité de modernisation de l’IAMC, composé d’arbitres et d’avocates et avocats d’expérience qui connaissent à fond le domaine de l’arbitrage, ces nouvelles règles et ce nouveau protocole constituent une refonte complète des procédures en place depuis une dizaine d’années.
Les nouvelles règles et le nouveau protocole s’appliquent aux différends commerciaux au Canada, mais ils peuvent également être appliqués aux différends internationaux ou à des litiges non commerciaux, selon la volonté des parties. Ils visent à offrir une structure pratique et souple, favorisant l’autonomie des parties et une résolution équitable et définitive des différends, tout en limitant le recours aux tribunaux et en allégeant la pression sur le système judiciaire.
Voici les points forts des nouvelles règles et du nouveau protocole :
Soutien personnalisé de l’IAMC basé sur un « menu » de services disponibles
Au Canada, l’arbitrage est généralement mené sur une base ad hoc, de sorte que les parties n’ont pas besoin d’un encadrement institutionnel. Toutefois, lorsque les parties adoptent les nouvelles règles, elles peuvent obtenir un soutien personnalisé de l’IAMC à partir d’un « menu » de services disponibles.
À la demande d’une partie et moyennant le paiement des frais applicables, l’IAMC fournira les services suivants : (a) nomination d’un arbitre; (b) nomination d’un arbitre intérimaire; (c) nomination d’un arbitre ou d’un groupe de trois arbitres chargé d’entendre la demande de récusation; (d) demande de mesures provisoires urgentes; et (e) demande de récusation d’un arbitre, d’un arbitre intérimaire ou d’un arbitre de récusation.
À la demande de toutes les parties, l’IAMC peut également, en contrepartie des frais applicables (a) administrer les dépôts; et (b) nommer un tribunal d’appel.
Élimination de la distinction entre les différends internationaux et non internationaux
Les anciennes règles prévoyaient que, sauf accord contraire des parties, un arbitrage qualifié d’international en vertu de la loi du siège de l’arbitrage était régi par le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI. En cas de conflit entre ce règlement et les règles de l’IAMC, le premier avait préséance.
Les nouvelles règles éliminent la distinction entre les différends internationaux et non internationaux. Le changement est bienvenu, car les anciennes règles pouvaient involontairement engendrer des conflits entre les parties quant à l’application des règles de l’IAMC et du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI.
Désormais, les nouvelles règles s’appliquent à tout arbitrage lorsqu’une convention d’arbitrage ou une soumission à l’arbitrage adopte expressément ou implicitement les nouvelles règles ou les règles d’arbitrage de l’un ou l’autre des organismes suivants : (a) l’IAMC; (b) la Canadian Foundation for Dispute Resolution, Inc.; (c) l’Institut des Arbitres du Canada inc.; (d) tout organisme régional affilié à l’IAMC ou à son prédécesseur; ou (e) l’Institut d’arbitrage et de médiation du Canada.
Révision du processus de nomination des arbitres
Dans le cadre du nouveau Protocole de nomination des arbitres, l’IAMC est responsable de la nomination des arbitres et de l’élaboration de listes de candidats et de candidates que les parties peuvent utiliser pour effectuer leur choix, conformément aux nouvelles règles. Seuls les candidats et candidates répondant aux critères de nomination de l’IAMC et des parties peuvent être sélectionnés.
Le directeur général de l’IAMC mettra en place un comité de nomination chargé d’effectuer les nominations directes et de proposer des listes de candidats et de candidates. Ce processus tiendra compte des principes d’équité, de diversité et d’inclusion, afin que le comité de nomination reflète un large éventail de perspectives et d’expériences.
Pour être nommé(e) arbitre, le candidat ou la candidate doit, entre autres, être membre en règle de l’IAMC et d’une filiale régionale, détenir une assurance erreurs et omissions d’un montant minimal de 1 million de dollars et soumettre un profil d’arbitre IAMC qui contient des informations sur ses domaines d’expertise, son expérience en tant qu’arbitre/avocat en arbitrage, et ses tarifs standards.
Processus de contestation amélioré
Les nouvelles règles établissent un processus de contestation accéléré et intégré, conçu pour éviter les retards ainsi que la médiatisation ou la divulgation du différend entre les parties. Le processus préserve la confidentialité, qui est une caractéristique essentielle de l’arbitrage.
En vertu des nouvelles règles, une partie peut présenter à l’IAMC une demande de récusation d’un arbitre dans l’un des cas suivants : (a) les circonstances soulèvent des doutes légitimes quant à l’indépendance ou l’impartialité de l’arbitre ou (b) l’arbitre ne possède pas les compétences qui sont stipulées dans la convention d’arbitrage ou dont les parties ont convenu. Une demande de récusation doit être soumise dans les 15 jours suivant la prise de connaissance par la partie des motifs de contestation. L’IAMC nommera un arbitre de récusation normalement dans les deux jours suivant la réception de la demande. Une procédure accélérée est prévue pour l’échange des documents liés à la demande. La décision de l’arbitre de récusation sera finale et sans appel.
Mise à jour des processus et normes de divulgation des conflits
Un arbitre doit être et rester indépendant et impartial. À cette fin, les nouvelles règles prévoient de rigoureux processus et normes de divulgation des conflits, qui semblent avoir été influencés, du moins en partie, par la récente décision dans l’affaire Aroma Franchise Company, Inc. c. Aroma Espresso Bar Canada Inc, 2024 ONCA 839, inf. 2023 ONSC 1827.
Dans cette affaire, la juge de première instance a annulé la décision arbitrale au motif que l’arbitre avait accepté de présider un autre arbitrage impliquant un client du cabinet d’avocats des appelants et une tierce partie. L’arbitre avait accepté cet engagement sans en informer les intimés. La juge de première instance a estimé que l’arbitre était tenu de divulguer qu’il procédait au second arbitrage et que sa participation, sans divulgation, suscitait une appréhension raisonnable de partialité (bien que l’arbitre n’ait jamais été informé des attentes des parties concernant la divulgation d’autres engagements). Toutefois, la Cour d’appel de l’Ontario a annulé la décision de la juge de première instance au motif que la présomption d’impartialité n’était pas compromise puisque la seconde affaire ne concernait ni les mêmes parties ni des questions directement liées. Les nouvelles règles de l’IAMC visent à éviter de telles contestations en imposant une divulgation systématique, dès le début de l’affaire, de toute information pouvant soulever des doutes quant à l’indépendant des arbitres.
Avant de nommer un ou une arbitre, chaque partie doit divulguer, dans la mesure où elles sont connues ou raisonnablement anticipées, toutes les informations qui permettraient à tout arbitre d’évaluer s’il existe des circonstances susceptibles de susciter des doutes légitimes quant à l’indépendance ou à l’impartialité de l’arbitre. Il peut s’agir d’informations concernant les parties au différend, les personnes ou entités ayant un intérêt financier important dans l’issue de l’arbitrage, les témoins attendus ou les noms des avocats et des cabinets d’avocats impliqués.
Avant d’accepter sa nomination, l’arbitre doit signer et remettre aux parties une déclaration précisant toute circonstance connue susceptible de soulever des doutes légitimes quant à son indépendance ou son impartialité, et déclarant qu’il ou elle, divulguera dès que possible aux parties toute circonstance survenue après l’acceptation de sa nomination et avant la conclusion de l’arbitrage.
Précédents pratiques et personnalisables
Enfin, les nouvelles règles introduisent des précédents pratiques et personnalisables permettant aux parties et au tribunal arbitral d’adapter la procédure à leurs besoins. Ces outils incluent : (a) une liste de contrôle pour la première réunion de procédure; (b) un modèle de première ordonnance de procédure; (c) des conditions types de nomination d’un arbitre; et (d) une déclaration type d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre. Ces précédents visent à simplifier le déroulement de l’arbitrage et à clarifier les attentes des parties, tant sur le plan procédural qu’administratif.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur les nouvelles règles d’arbitrage ou sur leur incidence juridique dans la gestion de vos affaires, veuillez communiquer avec les auteurs, Michael Schafler, Chloe Snider, Ara Basmadjian ou Emily McMurtry.